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PROFILES

LE MAGAZINE

PROFILES

NUMÉRO 9

CHANEL - Métiers d’art

Rahim Fortune

CHANEL Beauty by Chelsea Odufu
for PROFILES issue 9
Paris, Château d’Eau

Tokyo Trip

A film by Mati Diop
starring Mama Sané
CHANEL Métiers d'art collection 2022/23
De Dakar à Tokyo, le défilé Métiers d’art 2022/23 de CHANEL a donné lieu à de multiples rencontres et dialogues artistiques dans les domaines chers à la Maison que sont la danse, la musique, la littérature et le cinéma. La cinéaste franco-sénégalaise Mati Diop en livre sa vision très personnelle à travers un court film réalisé pour CHANEL à Tokyo. Cette amie de la Maison retrouve l’actrice Mama Sané, héroïne de son long métrage fantastique Atlantique, récompensé par le Grand prix du Festival de Cannes en 2019. En décembre dernier à Dakar et puis une nouvelle fois le jeudi 1er juin à Tokyo, Mama Sané ouvrait le défilé Métiers d’art 2022/23 de CHANEL. C’est dans ce film réalisé par Mati Diop qu’elle donne aujourd’hui corps à la collection. Au cours de son séjour dans la capitale japonaise, Mati Diop raconte sa rencontre avec Mama Sané, sa fascination pour Tokyo et la genèse de ce récit de voyage intense et teinté de mystère.
Après votre long métrage Atlantique, vous retrouvez Mama Sané à Tokyo le temps d’un court film pour la Maison CHANEL. Pouvez-vous nous parler de votre relation, de votre rencontre à Dakar et de votre collaboration ? J’ai rencontré Mama Sané en 2018 dans le cadre de mon casting pour Atlantique. Pour le rôle d’Ada, je cherchais quelqu’un de très particulier. La perle rare. J’ai longtemps cherché cette personne dans les rues de Dakar jusqu’à ce qu’un jour, je tombe sur Mama qui n’avait alors que 18 ans. Lorsque je l’ai vue marcher le long des rails du quartier de Thiaroye, j’ai su que c’était elle. Depuis Atlantique qui l’a révélée, je la suis et l’accompagne de près. Mama suit une formation de couture à Dakar où elle vit toujours, puis elle voudrait venir à Paris pour apprendre le français. Elle n’a pas encore rejoué au cinéma. Ne parlant que le Wolof, les opportunités se limitent pour le moment au cinéma sénégalais dont la nouvelle génération est en train d’émerger. En parallèle Mama évolue dans le monde de la mode qui la sollicite beaucoup depuis Atlantique. Se retrouver à l’occasion du film que la Maison CHANEL m’a invitée à réaliser était une merveilleuse opportunité de retravailler avec Mama. Finalement, j’ai aimé et trouvé très stimulant le fait de la filmer, de la redécouvrir dans un contexte aussi différent que celui d’Atlantique.
Pourriez-vous résumer vos intentions créatives pour ce court film réalisé pour CHANEL? Qu’avez-vous souhaité exprimer à travers ces images ? Lorsque la Maison Chanel m’a proposé de réaliser un film court à Tokyo dans le contexte de la réplique du défilé Métiers d’art CHANEL – Dakar, j’ai instantanément visualisé Mama Sané au centre du film. L’imaginer à Tokyo m’a immédiatement semblé saisissant, moderne, inattendu. Assez rapidement, j’ai imaginé une sorte de carnet de bord du voyage de Mama à Tokyo, entre documentaire et « trip » halluciné. Sa silhouette dans les rues, son regard sur la ville mais aussi celui des citadins sur elle. Est-ce votre premier voyage à Tokyo ? Qu’évoque pour vous cette ville et comment vous y sentez- vous ? Il s’agit de mon premier voyage à Tokyo mais j’entretiens une relation intime avec le Japon à travers le cinéma d’Ozu et de Kitano qui m’a beaucoup nourri quand j’étais adolescente ou plus récemment celui de Ryusuke Hamaguchi dont j’aime beaucoup les films (je faisais d’ailleurs partie du jury qui lui a décerné un prix à Cannes en 2021). Tokyo-Ga de Wim Wenders, Sans soleil de Chris Marker et Lost in Translation de Sofia Coppola sont des films qui ont compté, qui m’ont marquée. Mais surtout ma sœur et mon frère sont japonais du côté de leur mère et très imprégnés de leur culture japonaise dont je fais l’expérience à travers eux. Je rêvais d’aller au Japon depuis très longtemps. Je suis très émue de cette première rencontre éclair avec Tokyo, à travers les yeux de Mama, pour qui c’était aussi la première fois. C’était pour nous une expérience unique, réellement singulière. Et en même temps quasi subliminale. J’espère que le film en porte la trace.